Revue de presse

Communiqué de presse : phoques et poissons

Publié le 21 mai 2007 par Laëtitia DUPUIS

En réponse à l’article paru dans le n° 19707 du Courrier Picard le 18 mai 2007 et faisant état du ressentiment des pêcheurs locaux vis-à-vis de la population de Phoques veaux-marins de la baie de Somme, l’association Picardie Nature souhaite attirer votre attention sur quelques points.

Évolution et tendance de la population de phoques depuis le 18ème siècle
La population de phoques française a été amputée à plus de 70% et se trouve aujourd’hui très loin des effectifs dénombrés au XIXème siècle. Depuis son retour à la fin des années 1980, la colonie de Phoques veaux-marins de la baie de Somme voit ses effectifs augmenter. Elle est aujourd’hui la plus importante colonie de France pour cette espèce dont les effectifs varient au fil des saisons. On note, pour l’année 2006, un nombre moyen de 82 individus. Les effectifs maxima sont observés l’été, lors de la période de reproduction avec pour 2006 : 165 individus observés. Les individus proviennent alors des populations françaises voisines mais également de l’Angleterre et de la mer des Wadden ; où ils repartent dès le mois de septembre. Depuis 1992, cette colonie est reproductrice. Sur les 5 dernières années, on observe une moyenne de 16 naissances par an, avec un nombre d’échouages important chez les jeunes avant sevrage. En 2005, 50% des jeunes se sont échoués, 60% ont pu être réhabilités alors que 40% ont été retrouvés morts. Ce taux d’échouage chez les jeunes, souvent dû aux dérangements des animaux par les activités humaines est une perte considérable pour des animaux qui donnent naissance à un petit par an après une gestation totale de 11 mois.

Les phoques veaux-marins vivent en fonction des marées. Epars à marée haute, les phoques suivent les courants marins pour se nourrir soit dans le fond de la baie soit dans la Manche, où ils peuvent sortir à 60 km de la côte entre deux marées basses. Le Phoque veau-marin est opportuniste, son régime alimentaire varie dans l’année en fonction de l’abondance et de la migration des espèces proies (Thompson et al. 1996), il mange en moyenne 2 kg de poissons par jour (Robineau, 2003). Des analyses effectuées sur les fèces de Phoques veaux-marins en baie de Somme en 1989 et 1994 ont démontré que le flet -Plachtius flesus- est la proie la plus consommée à 42% (Brown et Wenswoort, non publié).

Le phoque : un bon indicateur de la santé environnementale, un prédateur supérieur stimulateur des populations de poissons
La présence des phoques veaux marins au sommet de la chaîne alimentaire est un bon indicateur de l’état de santé de la baie de Somme. En effet en écologie-science de l’habitat, -c’est-à-dire l’étude des conditions d’existence des êtres vivants et de leurs relations avec le milieu- chaque population s’autorégule en fonction de la capacité de soutien du milieu. Si les ressources deviennent insuffisantes pour les espèces, on observe des chutes de population.
Les phoques se nourrissent de poissons qui consomment eux-mêmes les invertébrés du milieu comme les crevettes, et les vers. Ainsi les phoques seraient les premiers à souffrir d’un dysfonctionnement dans la chaîne alimentaire. Si les invertébrés viennent à manquer, indéniablement les poissons viendraient à manquer, aux phoques également d’en souffrir.
La progression des effectifs en baie de Somme depuis la réinstallation spontanée de la colonie qui avait disparu au cours des XIX et XX siècles, notamment sous la pression de la chasse, est ainsi témoin de la richesse et de la capacité d’accueil du milieu pour les espèces qui la peuplent.
Rappelons que les effectifs dénombrés au XIX ème siècle atteignaient plusieurs centaines.
Ainsi discourt Porphyre Labitte en 1830, sénateur de la Somme et chasseur : "Il y a de cela quinze ou vingt ans, la baie de Somme présentait de meilleures conditions de séjour pour les phoques... Alors, on pouvait nombrer par centaines les phoques de la baie".
A l’époque l’activité de pêche en mer était numériquement plus importante qu’aujourd’hui bien que les capacités de récolte de chaque bateau plus restreintes.

Constat de dégradation des ressources halieutiques par des pêches peu sélectives
A cette époque, pêcheurs côtiers et phoques exploitaient la même ressource halieutique sans lui porter atteinte puisque les poissons se trouvaient encore facilement par les pêcheurs à pied. La prédation est un élément naturel, les phoques stimulent ainsi les populations de poissons locales à se reproduire. Si l’on compare les activités d’antan avec les activités actuelles, on s’aperçoit que la seule chose qui a véritablement changé est la méthode de pêche.
« Le rejet à la mer après chaque opération de pêche, d’organismes marins est une pratique courante dans la plupart des pêcheries mondiales. Certaines évaluations fournies par la FAO indiquent que, globalement et au plan mondial, 25% des captures totales en poids ne seraient pas commercialisées. La quasi totalité des individus rejetés ne survivent pas et de ce fait, les rejets n’ont aucun effet bénéfique en terme de conservation des ressources. ... Les chalutages côtiers génèrent des rejets qui, pour certaines espèces peuvent dépasser les débarquements... Les rejets des chalutiers hauturiers sont déterminés par la zone de pêche, les chaluts 4 faces générant plus de déchets que les chaluts 2 faces. Pour certaines espèces (merlan, chinchard...), le taux de rejet approche les 100%. » (source : http://www.ifremer.fr/docelec/doc/1996/rapport-1730.pdf ). Selon ce même rapport, les rejets concernant les espèces proies du phoques en Manche occidentale sont estimés à 100% pour le Maquereau , à plus de 90% pour la Limande, à plus de 50% pour la Plie, entre 25 et 50% pour la limande-sole. Cette destruction directe de la ressource halieutique liée à la dégradation des habitats par les constructions diverses et les pollutions, et à la surpêche, pourrait être directement la cause de la baisse des ressources halieutiques actuelles et par conséquent des problèmes rencontrés aujourd’hui par les pêcheurs côtiers. Un renforcement de la ressource halieutique pour pallier la surpêche serait une solution...

Le phoque espèce protégée à caractère patrimonial : un enjeu économique pour la région, la Manche et la France
L’association Picardie Nature mène depuis 1986 un programme d’étude et de protection des phoques de la baie de Somme. Elle effectue le suivi de la population : comptages réguliers, repérage de symptômes de maladies.., elle met en place une surveillance estivale grâce à une quarantaine de bénévoles qui repèrent et protègent les reposoirs à marée basse afin d’éviter les dérangements et de permettre aux jeunes phoques de rester avec leur mère jusqu’au sevrage. Picardie Nature est membre du Réseau National d’Echouage coordonné par le CRMM de La Rochelle, son secteur d’intervention se situe entre Le Touquet (62) et Le Tréport (76). Les autopsies des animaux morts permettent de mieux connaître l’état sanitaire des populations sauvages ainsi que leurs habitudes alimentaires (en analysant les contenus stomacaux). L’association Picardie Nature a longtemps travaillé avec la Zeehondencreche de Pieterburen pour les soins aux phoques échoués vivants. Quelques animaux ont alors été transportés par avion depuis Le Touquet vers les Pays-bas, aux frais des néerlandais et ont souvent été remis en milieu naturel en mer des Wadden. Depuis 2000, les animaux sont soignés en France afin de limiter le stress induit par le transport et remis en milieu naturel en baie de Somme, là où ils sont nés. Ce programme d’actions est mis en place pour la préservation et la sauvegarde d’une espèce sauvage protégée au sein son habitat naturel. Les phoques veaux-marins et gris sont cités en en annexe III (espèces de la faune protégée) de la convention de Berne (1979) relative à la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel de l’Europe, en annexe II de la convention de Bonn (1979) sur le convention des espèces migratrices appartenant à la faune sauvage, en Annexe II de la Directive de l’Union Européenne « Habitats-Faune-Flore » du Conseil du 21 mai 1992. Ces espèces sont interdites de chasse depuis 1972 en France (1962 aux Pays-Bas) et protégées au titre de l’arrêté du 27 juillet 1995 relatif à la liste des mammifères marins protégés sur le territoire national. Toutes ces mesures justifient l’attention qui leur est accordée. A ce titre, la destruction et l’altération des espèces (Phoques veaux-marins et des Phoques gris) et de leur milieu particulier est strictement interdit par la loi. Ce programme d’actions est mené grâce au soutien financier de la Diren Picardie, du Conseil Régional de Picardie ; au partenariat avec les structures locales et voisines, et aux moyens humains : nombreux bénévoles et une salariée. La baie de Somme profite de la présence de la colonie de phoques et des oiseaux pour développer le tourisme, et non l’inverse. La présence du tourisme ne justifie en aucun cas la mise en place du programme de protection mené par Picardie Nature, ni la mise en place d’un projet de régulation de la population de phoques, qui de par leur statut serait illégal.

L’association Picardie Nature


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