Contexte
Dans la population Est de l’Atlantique Nord, la période de reproduction du Phoque gris correspond à l’hiver. La France représente la limite méridionale de l’aire de répartition de cette espèce.
En France, les 2 colonies reproductrices actuellement connues se situent dans les archipels bretons : à Molène et aux Sept-Îles. Les femelles y mettent bas entre début novembre et fin décembre sur substrat rocheux. De par leur grande plasticité comportementale, les bancs de sable, les plages, les zones de mollières et même la glace sont aussi des milieux qui conviennent aux Phoques gris pour leur reproduction.
A la naissance, le jeune appelé « blanchon » - en référence à la couleur blanche de son pelage long et laineux : le lanugo - mesure 80 cm et pèse 14 kg environ. La femelle le laisse régulièrement se reposer plusieurs heures sur la terre ferme, le temps de rejoindre un point d’eau et revenir le nourrir. Elle l’allaite plusieurs fois par jour avec un lait riche en matière grasse (50 %) sur une durée allant de 14 à 21 jours, lui permettant de tripler sa masse corporelle, avant d’être sevré et d’entamer sa mue.
Depuis 2008, on compte 16 blanchons découverts le long de la côte picarde :
9 d’entre eux ont été retrouvés échoués morts,
7 ont été retrouvés vivants (depuis 2011).
Il s’avère qu’en 2014, 2016, 2017 et 2018, une femelle Phoque gris, dénommée Vanesse, a été observée mettre bas et élever ses jeunes entre le banc de l’Ilette et l’Anse Bidart, parfois jusqu’au sevrage.
L’ensemble de ces éléments est détaillé dans une synthèse, rédigée l’an passé par Aurore Feunteun, volontaire en service civique au sein de Picardie Nature.
Ces mêmes éléments sont prometteurs quant à l’installation d’une future colonie reproductrice en baie de Somme. La saison de reproduction 2018/2019 confirment d’ailleurs cette hypothèse.
Saison 2018/2019 de reproduction du Phoque gris en baie de Somme
Le vendredi 28 décembre midi, nous avons reçu l’information qu’un jeune phoque est blessé sur la plage de Saint-Quentin-en-Tourmont. Nous sommes en fin de marée montante, il est donc trop tard pour y aller. Vers 17h, de nouveau un message de Pelagis, un jeune phoque avec sa mère est signalé. Il est 17h, il va faire nuit, il est aussi trop tard pour y aller.
Le samedi 29 décembre, au lever du jour, une équipe de prospection trouve bien un blanchon, jeune phoque gris, au milieu de la plage et entouré de personnes. Il n’est pas blessé, des traces de placenta avaient seulement coloré le pelage. Ces personnes nous informent bien de la naissance la veille et ajoutent que la femelle a repéré les lieux en venant sur la plage les deux jours précédents la naissance.
Aussitôt, une zone de tranquillité est assurée autour du blanchon pour son repos et pour permettre l’hypothétique retour de la mère. En fin de journée, la mère sort de l’eau et vient sur le sable pour allaiter le petit. Les bénévoles et la salariée du réseau mammifères marins sont informés et une présence quotidienne du matin au coucher du soleil s’organise avec au minimum une équipe de deux bénévoles matin et après-midi et par tous les temps… L’objectif de notre présence est de permettre à la mère d’allaiter jusqu’à la fin du sevrage avec le moins de perturbations possibles.
Les 31 décembre et 1er janvier seront inhabituels pour certains d’entre nous cette année mais très conviviaux avec quelques douceurs pour tout de même fêter la fin de l’année.
Cette naissance sur la plage de Quend est une première. Mais ce lieu n’est pas le plus simple pour la tranquillité du couple mère- petit. Celui-ci va devoir cohabiter avec la présence humaine surtout pendant les vacances scolaires, les chars à voile, les cavaliers, les promenades des chiens… De nombreuses personnes, vacanciers ou locaux, vont passer sur la plage et vont venir voir le petit tout en respectant nos consignes de discrétion pour la réussite de ce sevrage. Merci à eux pour ce respect, rien n’a filtré sur les réseaux sociaux, aucune photo de diffusée… Merci encore !
Le petit mâle va vite grossir. La mère, une jeune femelle phoque gris est identifiée grâce à ADN (Association Découverte Nature). C’est Fauvette, vue pour la 1ère fois, jeune de l’année, en 2014 en baie d’Authie. Elle a donc 5 ans en janvier 2019 et ce petit est sûrement son premier.
Fauvette s’adapte au milieu, aux marées. Puis, rapidement, au bout de 3 jours, elle emmène le petit à l’eau, malgré son lanugo. Certains jours, il passera de 2 à 4 heures dans l’eau, dans les vagues à marée basse. A marée montante, il sort souvent de l’eau et remonte au sec. C’est plutôt à ce moment-là au début que sa mère va l’allaiter.
En dehors d’assurer une zone de tranquillité, chaque jour les bénévoles prendront une photo du blanchon pour voir son évolution et noteront le comportement de Fauvette et de son jeune :
nombre de tétées,
temps de tétée,
temps dans l’eau,
temps de présence de la mère et à quel moment de la marée,
comportement du petit copié sur celui de la mère,
déplacement sur le sable et zone à marée basse,
présence de mâles,
accouplement de la mère...
Puis le 15ème jour, Fauvette va s’accoupler sur le sable avec un mâle qu’elle avait repoussé le matin même. Elle va ensuite laisser son petit seul sur le sable. Il est gros. Il est sevré.
Nous ne verrons plus Fauvette à côté du petit les 6 jours suivants. Il est sevré mais il est encore tout blanc avec son pelage de naissance. Il n’a pas encore commencé la mue. Il lui reste donc, seul sur cette plage, à muer, à perdre ce pelage, à perdre du poids aussi avant de partir définitivement à l’eau. Nous allons le suivre ainsi 6 jours avant de le perdre de vue malgré la présence quotidienne d’équipes de prospection. Il n’a pas été vu au sein de la colonie proche de Phoques gris en baie de Somme. Il n’a pas été signalé comme « échoué » ou posé à un autre endroit…
Il est parti… mais il n’avait pas encore mué…
Espérons que son devenir soit positif…
Si vous souhaitez en voir un peu plus sur ce blanchon, n’hésitez pas à visionner ce reportage :
Nous avons cependant continuer la surveillance hivernale, puisque Vanesse a également remis bas en baie de Somme. Il s’agit du deuxième blanchon de cette saison 2018/2019. Une première !
C’est le vendredi 18 janvier, en continuant les recherches pour le jeune de Fauvette, que l’équipe du jour est tombé par hasard sur ce deuxième blanchon. Il se trouvait bien plus au Sud que la dernière localisation connu du jeune : en pleine milieu de la Réserve Naturelle Nationale de la baie de Somme.
Pensant alors avoir retrouvé le petit de Fauvette, l’équipe s’est approchée pour réaliser la photo quotidienne. Mais une femelle a rapidement été aperçue entrain de revenir laborieusement, entre bâches d’eau et banc de sable, vers le blanchon. Ce qui semblait étrange puisque Fauvette n’avait plus été aperçue depuis plusieurs jours.
Quelques photos plus tard et une comparaison avec les archives, la femelle a été identifiée : il s’agissait en réalité de Vanesse ! L’équipe n’avait donc finalement pas retrouvé le premier blanchon de la saison, mais avait découvert le second ! Nous saurons quelques jours plus tard qu’il s’agit également d’un mâle.
Du fait, en partie, du secteur et de sa géomorphologie, Vanesse n’avait pas exactement le même comportement que Fauvette : restant dans une bâche d’eau à marée basse, elle surveillait de loin le petit seul sur le sable. A marée montante, elle remontait ensuite, venait l’allaiter puis l’entraînait dans l’eau. Cependant, il ne passait pas autant de temps que le petit de Fauvette dans l’eau, et ni allait pas spontanément de lui-même.
Malgré les gros coefficients approchant, le petit a survécu sans problème puisque Vanesse est restée avec lui en pied de dune.
Se dépensant moins dans l’eau et profitant bien des tétées, il a rapidement grossi.
Ce couple mère-petit a eu la chance de ne pas être dérangé sur ce secteur. En effet, peu fréquenté par les promeneurs, du fait de la localisation et des températures hivernales, il était également peu fréquenté par le reste des Phoques gris. Aucun mâle n’a donc pu interférer dans les liens entre la mère et le petit.
A la fin du mois de janvier, les premiers signes d’un sevrage proche ont fait leur apparition : ses dents sont sortis et le bout des palmures est devenu noir, signifiant le début de la mue. Malgré ces signes, Vanesse est encore restée quelques jours supplémentaires et a continué à allaiter le jeune mâle.
Par la suite, elle n’a plus été revue. Le petit a lui également joué à cache cache avec les équipes se relayant sur place : observé un jour, mais introuvable le jour suivant.
Dimanche 3 février, un jeune Phoque gris nous a été signalé par Pelagis au niveau du blockhaus du Hourdel. Il s’agissait d’un blanchon en pleine mue. Arrivés sur place, les bénévoles ne l’ont pas retrouvé. Il était sans doute reparti à l’eau à marée haute.
La question était alors de savoir de quel blanchon il s’agissait : si c’était celui de Fauvette, il était très en retard sur sa mue ; si c’était celui de Vanesse, il avait dans ce cas très vite mué. Les photos envoyées par la personne ayant avertie l’Observatoire Pelagis, nous ont fait penser qu’il s’agissait du petit de Vanesse. Mais cela reste toujours à confirmer.
Des bénévoles sont ainsi restés sur place pour tenté de le revoir. Aucune observation du côté du Hourdel, mais un blanchon en mue a été vue, grâce à une longue-vue, seul sur un banc de sable au milieu de la baie.
C’est ainsi que c’est achevé la surveillance hivernale 2018/2019, puisque le blanchon avait l’air de très bien se débrouiller tout seul et n’était plus accessible. On lui souhaite une bonne continuation, tout comme au premier blanchon de la saison.
Le réseau mammifères marins tient à remercier les personnes présentes les premiers jours de la présence du blanchon sur le sable pour l’avoir surveillé.
Nous remercions aussi les 3 gardes de la Réserve Naturelle pour l’aide apportée aux différentes équipes de bénévoles.
Nous remercions les bénévoles ci-dessous pour leur investissement et leur présence tout au long de ce mois de surveillance hivernale :
Agnès, Alain, Ariane, Catherine, Chantal, Charlotte, Christine, Corentine, Corinne, Dominique, François, Françoise, Fred, Gabriel, Hervé, Jean Louis, Julie, Laurence, Marie-Hélène, Martine, Maxime, Michel, Olivier, Nelly, Patrick, Philippe, Régis, Sandrine, Sarah, Simon, Véronique
Sans cette présence quotidienne, ce sevrage n’aurait pas été possible, et la collecte d’information sur le comportement non plus.
Si vous aussi vous souhaitez aider et participer à ce type de mission en tant que bénévole, merci de vous faire connaître auprès du réseau
A l’année prochaine… pour d’autres naissances ? !!
Si vous souhaitez lire toutes les informations relatives à la saison de reproduction 2017/2018, c’est par ici ! De nouvelles informations sont d’ailleurs disponibles depuis début 2019 !
Association régionale de protection de la Nature et de l'Environnement
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