Agriculture

Consommation des produits phytosanitaires

Publié le 20 novembre 2006

A. Au niveau National

Concernant les produits phytosanitaires, les seuls chiffres que l’on puisse obtenir au niveau national sont ceux donnés par l’UIPP (Union des Industries de la Protection des Plantes). Ils représentent les ventes toutes substances confondues à tous les utilisateurs (particuliers, collectivités, agriculture).
Globalement la tendance est la suivante :

- On observe un pic en 1999 au-delà des 120 000 Tonnes de substances actives vendues, suivi d’une diminution jusqu’en 2003 (suite à la baisse des doses autorisées de fongicides minéraux).
Le pic de 99 peut être expliqué par le jeu de vente anticipées fin 98 (comptabilisées cependant en 99) pour échapper à la TGAP (Taxe Générale sur les Activités Polluantes) qui entrait alors en vigueur.

- Depuis 2 ans la courbe change d’allure et la tendance est de nouveau à la hausse.
A la mi-campagne, les ventes pour 2005-2006 étaient plus faibles, mais cela peut être dû à un retard dans les traitements. On ne sait donc pas si cette tendance va perdurer.

- En tout état de cause, les résultats sont sensiblement inférieurs à ceux observés dans les années 90, sans être pour autant révélateurs d’une baisse significative de l’utilisation des pesticides.

- Alors que les insecticides connaissaient une relative stabilité jusqu’en 2003, il y a eu une augmentation significative de 8 % au cours de la campagne 2003-2004 suivie d’une autre augmentation de 2,7 % pour la campagne 2004-2005.

- Par ailleurs, après une baisse importante de l’usage des herbicides (- 24% entre 2001 et 2003) laissant penser à une évolution vers l’agriculture raisonnée, on observe une augmentation de 6 % pendant la campagne 2003-2004 puis une certaine stabilité jusqu’en 2005.

- De même les fongicides ont connu une forte baisse de 31 % entre 2001 et 2004 mais sont en hausse pendant la campagne 2004-2005.

- Réglementairement, il est prévu une baisse de 50 % des substances les plus dangereuses (10 % des produits) d’ici 2009.
On peut donc estimer qu’aujourd’hui à peu près 8 000 t de produits dangereux sont consommés et qu’on souhaite ramener à 4000 t cette consommation. Par rapport à la consommation totale cette baisse n’est pas significative.

- Les tonnages ne donnent qu’une indication très grossière en terme de pression sur l’environnement car les différentes substances présentent des niveaux de danger très hétérogènes et les substances nouvelles sont en général plus toxiques à faibles doses.
A ce jour, peu de recherches s’orientent vers une pondération des tonnages par type de molécule.

Une question se pose alors : si l’on n’observe pas de diminution significative du tonnage vendu et que parallèlement les substances actives sont de plus en plus performantes (pour certaines molécules on passe de 1 kg de substance active / hectare à 4 gr de substance active / hectare), qu’en est-il du risque encouru ?

B. Au niveau Régional

Il n’y a aucune donnée sur l’évolution des consommations de produits phytosanitaires en Région. Les premiers chiffres datent de 2002 avec les travaux du Groupe Régional d’Etudes des Produits Phytosanitaires (GREPP).

1. Les données relatives à l’évolution de la qualité de l’eau du point de vue de la contamination par les produits phytosanitaires entre 2001 et 2003 en Picardie nous indiquent :

Pour les eaux souterraines :
- diminution du pourcentage des eaux de bonne qualité
- augmentation du pourcentage des eaux de qualité passable
- stabilité au niveau du pourcentage des eaux de mauvaise qualité

— > Globalement une moins bonne qualité des eaux souterraines

Pour les eaux superficielles :
- augmentation du pourcentage des eaux de bonne qualité
- augmentation du pourcentage des eaux de qualité passable
- diminution du pourcentage des eaux de mauvaise qualité

— > Globalement une meilleure qualité des eaux superficielles

Cette étude du GREPP montre que globalement les eaux de surface sont de moins en moins touchées par les pollutions phytosanitaires mais qu’il y a un transfert de pollution vers les eaux souterraines qui peut être rémanent encore pendant de nombreuses années.

2. Les traitements phytosanitaires accompagnent la hausse des rendements.

« De 1994 à 2001, le nombre de traitements augmentent, les mélanges de produits sont plus fréquents mais les doses annuelles à l’hectare se réduisent pour de nombreuses substances actives. »

AGRESTE PRIMEUR décembre 2003 – Nord - Pas-de-Calais / Picardie.



1994

2001

Désherbant

Surface traitée (%)

99

99


Nombre de traitements

1,7

3

Fongicide

Surface traitée (%)

99

98


Nombre de traitements

2,6

3,5

Insecticide

Surface traitée (%)

70

62


Nombre de traitements

1,3

1,2

Molluscicide

Surface traitée (%)

1

24


Nombre de traitements

1

1,1

Raccourcisseur de paille

Surface traitée (%)

97

94


Nombre de traitements

1,4

1,7

Ensemble des produits

Surface traitée (%)

99

99


Nombre de traitements

6,5

9

Source :
Agreste-Enquêtes pratiques culturales 1994 et 2001

3. La part des produits phytosanitaires pour l’agriculture vendus en Picardie dans le chiffre d’affaires national.

Sur la base des chiffres du GREPP, 5500 t de produits phytosanitaires sont consommées annuellement en Picardie, dont 5000 t pour l’agriculture, l’agriculture représente donc 90 % du marché des produits phytosanitaires en Picardie.

Chiffres d’affaire 2005- sources : IUPP

COMPTES DE L’AGRICULTURE

PRODUITS DE PROTECTION DES CULTURES




PICARDIE OISE



1990 1413,8 millions de francs432,3 millions de francs
1991 1394,0 " 447,1 "
1992 1316,6 " 437,7 "
1993 1179,6 " 384,2 "
1994 1221,8 "401,1 "
1995 1427,1 " 465,2 "
1996 1420,2 " 479,4 "
19971339,0 " 381,0 "
1998 1445,0 " 410,0 "
1999 1495,0 " 424,0 "
2000 219,9 millions d’euros 62,5 millions d’euros
2201 222,2 " 63,4 "
2202 238,1 " 66,1 "
2003 225,3 " 62,7 "
2004 237,4 " 63,5 "
2005 249,6 " non publié









Sources : AGRESTE

Si l’on confronte ces 2 tableaux, sachant que d’une part les chiffres d’affaire déclarés par l’IUPP tableau de droite concernent l’ensemble des ventes (agriculture, particuliers et collectivités) et que le tableau de données régionales (tableau de gauche) concerne le budget de l’agriculture picarde pour les produits phytosanitaires, on observe l’évolution suivante :

Evolution de la part de consommation des produits phytosanitaires pour l’agriculture picarde dans le chiffre d’affaires national

1994 : 12 % du chiffre d’affaires national

1995 : 12,4 % du CA national

1996 : 11,6 % du CA national

1997 : 10,5 % du CA national

1998 : 10,73 % du CA national

1999 : 10,55 % du CA national

2000 : 11,69 % du CA national

2001 : 10,95 % du CA national

2002 : 12,8 % du CA national

2003 : 13,5 % du CA national

2004 : 13,2 % du CA national

2005 : 13,3 % du CA national

Cette comparaison de données n’est pas forcement très représentative de l’évolution de la consommation des produits phytosanitaires par l’agriculture picarde car beaucoup de données et de paramètres ne sont pas communiqués. Mais ce calcul permet de pondérer au moins l’évolution régionale qui serait liée à une augmentation nationale du prix des produits.

Selon ces calculs, on peut craindre que la consommation de produits phytosanitaires pour l’agriculture picarde n’ait jamais été aussi importante que ces dernières années.

Une autre étude menée par la Chambre d’agriculture de la Somme sur 4 coopératives du département indique une consommation de 1200 t de produits phytosanitaires vendus en 2005. Les 4 coopératives questionnées couvrent la majeure partie du département sans toutefois couvrir l’intégralité des ventes du département. On pourra dire que la consommation réelle était à minima de 1200 t mais très certainement légèrement supérieure sans toutefois dépasser les 2000 t.
Encore une fois il n’y a pas de données antécédentes pour évaluer l’évolution de ces tonnages.

Conclusion : les quantités de produits phytosanitaires ne sont pas un indicateur suffisant, il faudrait une pondération des tonnages de molécules en fonction de leur dangerosité (il y a actuellement des travaux menés par des groupes de recherches du ministère de l’agriculture sur l’aptitude d’une molécule à se retrouver dans l’eau, etc... – méthode SIRIS).

Sous réserves de la cohérence des calculs faits au paragraphe 3, il semblerait tout de même que la consommation des produits phytosanitaires pour l’agriculture picarde augmente ces dernières campagnes, ou tout du moins rien n’indique qu’elle diminue.

Au niveau national aucune instance gouvernementale ne communique sur les tonnages de pesticides ; seule l’UIPP communique ses chiffres de ventes. Au niveau régional les coopératives ne communiquent pas leur chiffre de ventes. Il n’y a aucune transparence sur cette thématique.

Des espoirs sont portés par l’application de la prochaine loi sur l’eau qui va imposer la coopération, et la nécessité aux coopératives de communiquer les chiffres de ventes par déclaration aux agences de l’eau (qui perçoivent déjà la TGAP vraisemblablement).
Les producteurs devront payer cette taxe sur les quantités vendues en fonction de la dangerosité de la molécule. Cela permettra d’avoir enfin des chiffres (2007 ou 2008), mais il faudra encore attendre plusieurs années pour avoir des idées d’évolution de consommation.

Des lors l’arrêté du 12 septembre 2006 impose des améliorations sur les conditions d’utilisation des produits phytosanitaires, notamment l’enherbage sur une bande de 5 mètres de part et d’autre des cours d’eau devrait faire diminuer l’impact des produits phytosanitaires sur l’eau. Mais qui sera chargé de surveiller les milliers de kilomètres concernés ?

Ainsi, malgré les études et les discours de bonnes intentions qui se succèdent depuis des années, il apparaît que la réduction de l’introduction de pesticides dans l’environnement n’est toujours pas d’actualité.
Il est urgent d’engager un mouvement durable de réduction notable de l’épandage de pesticides, seul à même d’infléchir les conséquences les plus graves qu’en sont la pollution des nappes phréatiques et la réduction de la biodiversité.


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