Déchets - Industries

Vigilance face au projet d’épandage des effluents de l’usine Idex d’Amiens

Publié le 2 décembre 2014

Le procédé Valorga est une filière complète du traitement des ordures ménagères avec tri de déchets, méthanisation de la part fermentescible, compostage des résidus de fermentation, mise en décharge des résidus obtenus. Le procédé a été appliqué à Amiens en 1988. L’usine Valorga d’Amiens a connu des difficultés importantes pendant des années.

Aujourd’hui l’usine de méthanisation est gérée par le groupe Idex. L’amélioration des process a évité la disparition de cette usine pionnière à l’époque. Pour autant une demande d’extension du plan d’épandage de ses jus excédentaires issus du mélange avec les déchets ménagers a retenu l’attention de notre association.

La S.A. IDEX épand actuellement 10 000 m3/an d’effluents liquides sur 2 658 hectares et compte épandre 5 200m3 d’effluents supplémentaires sur une nouvelle superficie de 1 671 hectares de terres agricoles de 42 communes du département de la Somme.

Selon les documents mis à la disposition du public, les mesures effectuées par IDEX pour contrôler la nocivité de ses effluents ne portent que sur 7 métaux lourds, 7 PCB et 3 autres substances polycycliques aromatiques, ainsi que sur 3 agents pathogènes. Il n’est pas raisonnable de se limiter à une liste aussi restrictive pour apprécier les risques d’épandage agricole d’effluents qui résultent d’un traitement de déchets ménagers. Il faut en effet, prendre en considération la multitude de substances nocives ou toxiques que peuvent contenir ces déchets, lesquels sont susceptibles d’être souillés par des produits divers, médicaments, produits de droguerie, produits chimiques…abandonnés sans précautions suffisantes, malgré le tri demandé à la source et de celui réalisé en usine. Ces substances ou produits de dégradation nocifs sont susceptibles d’être retrouvés à des teneurs plus ou moins importantes dans les effluents de l’usine de méthanisation. Seules des vérifications analytiques appropriées et régulièrement mises en œuvre permettraient de caractériser valablement ces effluents.

La S.A. IDEX s’est limitée à une liste minimale d’analyses fixée par une réglementation générale sur les installations classées : l’arrêté ministériel du 2 février 1998 modifié.

Picardie Nature considère qu’elle méconnaît le fait que cette réglementation demande à l’exploitant de justifier dans son étude d’impact l’innocuité directe et indirecte des effluents vis à vis de la santé de l’homme, des animaux, de la qualité des cultures, des sols et des milieux aquatiques.

En fonction de l’analyse de cette étude et s’il accorde l’autorisation, le Préfet doit préciser les normes et conditions à respecter pour protéger les intérêts visés. A ce titre, la description des effluents évoquée dans l’étude IDEX ne permet pas au Préfet d’apprécier leurs spécificités, ni de s’assurer de l’innocuité de leur épandage. Pour mémoire, une liste de 132 substances toxiques ou polluantes, dont une quarantaine prioritaires, a été établie pour l’application de directive européenne, sur la seule question de protection de la qualité des eaux.

Par ailleurs pour convaincre les agriculteurs d’accepter ses effluents, la S.A. IDEX semble faire valoir la gratuité des quantités d’azote fertilisant qu’ils contiennent et les analyses d’azote dans les sols qu’elle prend à son compte, mais les risques d’altération des sols et des cultures par des substances nocives ou rémanentes ne sont pas réellement présentés.

Dans un courrier adressés aux maires concernés par l’épandage que c’est le même mécanisme de fourniture gratuite de résidus fertilisants épandus sans attention suffisante aux risques de non innocuité qui a conduit dans les années 1990 à deux incidents majeurs pour l’industrie agroalimentaire picarde.

Ainsi, un important établissement de production de conserves de légumes du département de la Somme a dû réimporter du Danemark plusieurs lots d’épinards surgelés pollués par des anticoccidiens provenant d’épandages d’effluents sur des terres de cultures du Santerre et les éliminer en décharge. Une usine de fabrication de biscuits apéritifs du département de l’Oise a, quant à elle, dû éliminer plusieurs millions de francs de produits finis pollués par des agents pathogènes.

Même si la société IDEX n’est pas en cause dans ces deux incidents, des enseignements méritent d’être pris en considération, à défaut, la dénomination "NHECTARE" donnée par IDEX à ses effluents liquides pourrait s’avérer de très mauvais goût !

Les terres agricoles constituent un patrimoine commun utilisé à la production de cultures destinées à l’alimentation humaine ou animale. Elles méritent une grande attention ; des éléments aux effets indésirables peuvent être exportés vers ces cultures et les rendre impropres à la consommation. Les substances rémanentes ou polluantes peuvent aussi altérer plus ou moins durablement les terres et les eaux souterraines. Le fait de ne pas mesurer l’ensemble des paramètres pertinents ne constitue pas une garantie d’innocuité, mais présente un véritable risque.

Au demeurant, compte tenu de la grande diversité et de la variabilité des polluants susceptibles d’intégrer la composition des déchets ménagers de la Métropole Amiénoise, il convient de s’interroger sérieusement sur la pertinence de l’épandage en agriculture des effluents liquides de l’usine S.A. IDEX.

A cet égard, compte tenu de leur débit moyen de 2 m3 par heure, un traitement en station d’épuration avec rejet en eaux de surface présenterait sans doute beaucoup moins de risques. Il convient d’ailleurs d’observer d’une manière plus générale que la méthanisation des déchets ménagers réalisée en Allemagne ne s’accompagne pas d’épandage d’effluents liquides.


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