Eoliennes terrestres

Enquête publique sur projet éolien de la Communauté d’agglomération du Soissonnais

Publié le 24 juin 2008

Amiens, le 21 mai 2008

Monsieur le Commissaire-enquêteur,

Nous avons pris connaissance du dossier présenté par la SAS Innovent relatif au projet d’implantation de 9 éoliennes sur le territoire des communes de Cuffies et Leury.

Nous nous sommes intéressés à l’étude d’impact et plus précisément au volet sur la faune volante. Bien que nous n’ayons pas d’a priori négatif sur le parc et aucune réticence au développement de l’éolien, nous souhaitons aborder quelques remarques mis en avant dans le rapport et estimons cette étude insuffisante sur plusieurs points.

Tout d’abord page 36 dans le chapitre 3-2 sur la justification du positionnement des éoliennes.
Le porteur du projet met en avant plusieurs critères pour l’implantation des éoliennes mais il ne fait pas apparaître les choix d’implantations par rapport aux axes de migrations ou de déplacements des espèces animales notamment la faune volante (oiseaux, Chauves souris), ce qui est un point important dans ce type de projet. Des choix parfois inadaptés d’implantation de certaines éoliennes peuvent gêner les déplacements de la faune volante et augmenter les risques de collisions. Le fait que le porteur de projet ne le présente pas dans ses choix nous laisse penser que ce n’est pas un aspect important pour lui.

De nombreuses références bibliographiques apparaissent dans le document. Il s’agit de documents très généraux et très peu de références à des études, publications ou travaux locaux sont cités. Il existe pourtant des associations de naturalistes en Picardie qui peuvent fournir des données ou informations, parfois sur plusieurs années, sur la faune et la flore permettant d’affiner les enjeux sur le site et ses environs. À partir de là, le bureau d’étude pourra organiser son travail de terrain et justifier des protocoles d’études qu’il souhaite mettre en place ou non (période d’observation, nombre de sortie, espèces recherchées...). Les données ZNIEFF et Natura 2000 ne sont qu’une partie des éléments à recueillir.

Le bureau d’étude n’aborde pas l’aspect cumulatif du parc avec d’autres projets, éoliens ou non, réalisés ou à venir. Si un projet peut n’avoir qu’une influence limitée sur la faune sauvage, l’accumulation de projet peut avoir des conséquences plus importantes, notamment sur les possibilités de déplacement ou de migration de certaines espèces.
Si un autre projet (parc éolien, ligne à haute tension...) devait se construire dans les environs avant celui de la Communauté d’agglomération du Soissonnais, il serait susceptible de modifier les comportements de certaines espèces animales (migration, chasse, site de reproduction...) et de les renvoyer vers le site du projet actuel modifiant du même coup les enjeux.

Concernant les études sur la faune et la flore.

- Le bureau d’étude a réalisé 5 sorties en 2004 et 2005 pour étudier la flore, les oiseaux, les mammifères, dont les chauves souris, les batraciens, les insectes, les mollusques. C’est incohérent avec la réalisation d’étude correcte pour l’ensemble de ces groupes.

- Les périodes de la journée auxquelles ont été réalisées ces sorties ne sont pas indiquées. Pour les oiseaux, il est important de venir à des horaires différents afin de connaître l’activité de tous les oiseaux sur le site, de même pour les chauves souris, les prospections doivent avoir lieu en soirée et de nuit.

Concernant le volet ornithologique

- une étude menée sur un cycle annuel complet permettra de suivre les phases d’hivernage, migration prénuptiale, nidification, migration post nuptiale. Les 5 prospections ont été réalisées sur une partie d’un cycle annuel. Cela est beaucoup trop insuffisant pour pouvoir caractériser assez précisément la faune volante.

- Les différentes espèces en présence au cours de l’année n’ont pas pu être observées et encore moins leurs plans de déplacement et de stationnement. Ce qui constituent pourtant des éléments fondamentaux et indispensables pour évaluer par la suite l’impact des éoliennes sur ces espèces.

En ce qui concerne l’étude des chiroptères (chauves-souris).

Le bureau d’étude semble faire preuve de beaucoup d’incompétence dans ce domaine.

- Page 95 il signale que « le site n’est pas situé à proximité d’un site d’intérêt chiroptérologique majeur reconnu à l’échelle national ni même régional ».
Le projet de parc éolienne est situé dans le Soissonnais. Cette région naturelle et celles qui l’entourent (Noyonnais, Laonnois) présentent une structure paysagère mixte : openfields intensément cultivés et bocage autour des villages et fermes. De grands espaces forestiers dominent la partie ouest (forêts de Compiègne, Laigue et Ourscamps), ainsi que la partie nord (forêt de Saint-Gobain). Le Soissonnais est également caractérisé par de nombreuses carrières créées lors de l’exploitation du calcaire, qui ont permis la construction de son patrimoine bâti en pierre blanche : églises, granges anciennes, lavoirs, donjons, châteaux… L’ensemble de ces conditions en font une région fortement appréciée par les Chauves-souris qui y trouvent des lieux d’hibernation, des zones de reproduction et des terrains de chasses favorables.
Le secteur est surtout réputé pour accueillir le Petit Rhinolophe (principal bastion de l’espèce en Picardie) qui se trouve ici en limite nord-ouest de son aire de répartition. Cette espèce d’intérêt européen trouve encore ici suffisamment de cavités souterraines, de combles et de zones de chasses (milieux forestiers et bocagers) pour subsister. D’autres espèces d’intérêt européen sont également bien représentées aux environs du futur parc éoliens, comme le Grand Murin, le Grand Rhinolophe, le Murin à oreilles échancrées.
Une attention toute particulière doit donc être apportée aux études sur les chauves souris notamment pour des projets éoliens. Malheureusement dans le cadre de ce projet aucune étude correcte sur les chiroptères n’a été réalisée.

- La SFEPM (Sociète Francaise pour l’Etude et la Protection des mammifères) a élaboré un protocole pour la réalisation d’études sur les chauves souris lors des projets éoliens, qui est la référence nationale avec le protocole Eurobat réalisé au niveau européen. Le protocole de quelques pages est disponible sur le site de la SFEPM (www.sfepm.org).

- Suivant ce protocole lors de l’étude d’impact, il aurait dû réaliser un pré-diagnostic, basé sur une compilation des données existantes sur les espèces, les gîtes d’hibernation, de reproduction (recherche dans les bases de données, la bibliographie, interrogation des chiroptérologues locaux, etc.) et une analyse cartographique des habitats et structures paysagères afin de déterminer les enjeux potentiels. Pour pouvoir réaliser une synthèse exhaustive il faut travailler sur 10 km autour du projet. Sans compter une synthèse sur les enjeux à 20 à 30km autour du projet pour tenir compte des capacités à parcourir de longues distances de certaines espèces.
Page 67 le bureau d’étude signale, « des cavités souterraines propices à l’hivernage des chauves souris » sur la ZNIEFF de type I n°02SOI120 située à 2 Km du site et précise « qu’aucune chauve souris n’est mentionnée ».
Dans le cadre des inventaires ZNIEFFS les études sur les chauves souris ou d’autres groupes de mammifères n’ont pas été réalisées systématiquement ce qui n’empêche pas leur présence.

- Page 95, il est indiqué « qu’aucun dortoir n’a été observé ni signalé dans les alentours directs » .
A partir de nos données et de celles d’autres structures comme le Conservatoire des Sites Naturels de Picardie, ou de groupes chiroptérologiques de la région, nous avons pu recenser la présence de 7 sites à chauves souris (sans données) dans un rayon de 3km autour du projet et de 99 sites dont (10 avec des données) dans un rayon de 10 km autour du site.

- Le bureau d’étude donne quatre espèces potentiellement présentes. Un recensement des données de notre association dans le Soissonnais et à proximité (Laonnais, et Noyonnais), indique la présence de 11 espèces de chiroptères dont le Petit Rhinolophe, le Grand Murin, le Grand Rhinolophe, le Murin à oreilles échancrées toutes protégées au niveau national et d’intérêt européen.
Le pré-diagnostic réalisé pour cette étude s’avère donc très insuffisant au vu des connaissances disponibles sur les chiroptères dans le soissonnais.

- Concernant la phase de diagnostic, le protocole d’étude n’est jamais détaillé ainsi que le nombre et les heures de sorties sur le terrain. A aucun moment le matériel utilisé pour réaliser les écoutes ultrasoniques n’est précisé. Les enregistrements sonores ne sont pas fournis et il n’est donc pas possible d’en vérifier la teneur.
Le cycle complet d’activités des chauves souris, s’étale sur toute une année avec des périodes de migration et de reproduction. Pour un projet de cette ampleur, un minimum de 6 sorties nocturnes, réparties tout au long de l’année aurait dû être conduit. Cela pour écoute et enregistrement des émissions ultrasoniques produites par les chauves-souris lors de leur déplacements et chasses d’insectes sur la zone et autour de la zone prévue pour le projet éolien.
En plus de ces sorties d’écoute nocturne, le recensement systématique de la population hibernante de chiroptères dans un rayon de 5 à 7 kilomètres aurait dû être entrepris.

- De plus, à l’aide de la structure paysagère et des résultats des écoutes ultrasoniques, une analyse des axes de migrations possibles et avérés des chauves-souris sur le site aurait du être fournie.

- Par ailleurs, Page 81, en conclusion du paragraphe sur les mammifères, l’étude signale que « la départementale 1 entre le site du projet et les cavités de la ZNIEFF constitue une barrière physique au déplacement des chiroptères comme des autres mammifères. La présence de chiroptères sur le site est donc improbable ». Que dire ? que tout cela n’est pas sérieux ?
Les chauves souris sont des mammifères volants aux mœurs nocturnes et même si la RD1 était une route extrêmement fréquentée par les automobiles la nuit, elle ne doit cependant pas poser d’insurmontables problèmes de franchissement pour les chauves-souris.

- Dans cette étude il est proposé en mesure compensatoire, un suivi des chiroptères après la construction des éoliennes. Un suivi de quoi ? S’il n’y a pas de chiroptères comme indiqué dans l’étude d’impact, cette mesure compensatoire - qui n’en est pas une ! –n’aura pas d’utilité. Sur quelle base de comparaison ce suivi post-construction sera-t-il fondé dans la mesure où l’étude avant construction est insuffisante.

Enfin, cette méconnaissance sur les chiroptères et les oiseaux, et leurs déplacements sur le site, pourra conduire à des choix inadaptés d’implantation de certaines éoliennes qui peuvent gêner leurs déplacements et augmenter les risques de collision. Pour exemple, l’éolienne n°9 située à 100 mètres d’une lisière forestière s’avère trop proche de cette dernière et devra donc nécessiter son déplacement.

Attendu les manques importants évoqués ci-dessus, particulièrement sur le volet chauve-souris, il apparaît clairement une insuffisance de l’étude d’impact actuellement réalisée.
C’est pourquoi, nous vous demandons, de rendre un avis négatif concernant ce projet éolien en l’état actuel de sa phase d’étude et nous vous demandons de faire procéder à un complément d’expertise avec des études correctes notamment sur la faune volante et sur un cycle complet.

Demeurant à votre disposition, nous vous prions de croire, Monsieur le Commissaire-enquêteur, en l’assurance de nos salutations respectueuses.


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